Message de l’administrateur diocésain

Aux catholiques de la Sarthe,
Le Mans, le 08 décembre 2022

Frères et sœurs.

Il y a un mois je revenais de Lourdes où, en cette période de vacance épiscopale, je représentais notre diocèse à l’assemblée plénière des évêques de France.

Malgré ce que certains médias ont laissé entendre, je voudrais tout d’abord attester du travail sérieux et approfondi qui a déjà été mené par les évêques dans le domaine de la prévention et de la lutte contre les abus sexuels dans l’Eglise. (cf. le site https://abus-quefaitleglise.catholique.fr/ )

Cependant, j’ai accueilli avec eux et en communion avec chacun d’entre vous, les nouvelles révélations apparues au grand jour, impliquant désormais des évêques et allant jusqu’à jeter le doute sur la sincérité et la réalité du chemin de transformation emprunté. Un effet de grande fatigue et de saturation nous envahit tous au risque même de nous submerger.

C’est pourquoi, dès mon retour et en concertation avec le Collège des Consulteurs, j’ai décidé de réunir de manière exceptionnelle les anciens « Conseil Diocésain de Pastorale et d’Évangélisation » (CDPE) et « Conseil Presbytéral » qui n’ont théoriquement plus d’existence canonique en cette période de vacance avec les responsables des services diocésains.

Il s’agissait pour moi d’accueillir ce traumatisme « en Eglise », de faire le point sur le travail déjà initié ici chez nous et d’évoquer la manière dont nous pouvons poursuivre ensemble le travail dans ce domaine.

Voilà plus d’un an, la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église (CIASE) rendait public le rapport que les évêques de France lui avaient commandé. Ce travail de grande ampleur, mené durant plusieurs années, a voulu donner la parole à de nombreuses victimes dont les témoignages courageux ont permis à beaucoup de commencer à prendre la mesure de ces drames : abus sexuels, abus psychologiques, abus spirituels, abus de pouvoir… Derrière ces expressions sont apparues peu à peu des histoires concrètes, des vies abîmées pour longtemps, souvent pour toujours.

Je tiens à remercier chacune des personnes qui ont trouvé la force de parler et je leur demande de ne jamais se décourager de le faire. Ensemble, demeurons attentifs et disponibles pour permettre à celles qui n’ont pas encore pu le faire de trouver accueil et compréhension.

Ces révélations et ces témoignages récurrents suscitent en chacun de nous douleur, colère, incompréhension, abattement, crainte, incrédulité…

Au sein de nos familles, de nos mouvements, de nos communautés paroissiales ou de groupes informels, des propositions d’échanges et de réflexions ont été faites. Une soirée publique a également été organisée à la maison Saint-Julien. Peu à peu, nous avons essayé de relever la tête et de regarder en avant en tirant les enseignements du passé afin de permettre à notre Église  d’être la « maison sûre » qu’elle a vocation d’être.

Le travail ne fait que commencer… Le processus engagé sera long et ponctué d’autres étapes douloureuses. Ne nous laissons pas fragiliser par la frénésie de notre époque qui veut résoudre les problèmes comme par enchantement. L’abattement légitime que nous ressentons tous ne doit pas anesthésier notre vigilance commune ni la nécessaire détermination pour que la vérité soit faite et que la justice soit rendue.

Nous avons conscience de ne pas être en capacité de gérer ces situations criminelles sans nous appuyer sur la justice civile de notre pays. C’est pourquoi, le protocole signé, en décembre 2021, avec Madame le procureur du tribunal du Mans entraîne désormais automatiquement un signalement pour tout fait récent ou ancien, ce qui permet à l’autorité judiciaire de diligenter une enquête et d’y donner les suites qui s’imposent.

Par ce message, je voudrais en particulier redire ma disponibilité et celle de notre diocèse auprès des personnes qui ont été victimes d’abus dans l’Église. Elles trouveront toujours la porte ouverte et la reconnaissance de leurs blessures.

Si j’ai voulu rassembler dans une même réflexion les laïcs, les prêtres et les diacres avant de vous écrire ce message, c’est que je suis convaincu que c’est ensemble que nous devons nous atteler à ce chantier, parce que c’est ensemble que le Christ Jésus nous envoie témoigner de l’Évangile.

Je tiens à exprimer ici, encore une fois, mon a priori de confiance à mes frères prêtres et à tous ceux qui, conscients de leur responsabilité baptismale s’engagent au service de la mission.

Les crimes de certains membres de la communauté, qu’ils soient ministres ordonnés ou non, sont une plaie ouverte qui fragilise l’ensemble du corps du Christ. Rappelons-nous que notre Église est Sainte non parce qu’elle rassemblerait des gens parfaits, mais parce qu’elle est un peuple de pécheurs rachetés par le sang du Christ. Elle est sainte de la sainteté de Dieu qui « s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale.» (Eph 5, 25-26)

Cependant, je souhaite aussi rappeler très clairement et avec fermeté que le chemin de transformation dans lequel nous sommes engagés suppose une vigilance toujours plus grande dans l’accompagnement des personnes, dans la recherche de relations humaines ajustées au sein de nos communautés, dans le partage des responsabilités pastorales entre les ministres ordonnés et tous les fidèles baptisés, dans la détection des « signaux faibles », dans le souci d’un bon équilibre entre la justice et la miséricorde : autant d’orientations qui requièrent la coopération de tous.

Ne mettez, ne mettons, jamais personne sur un piédestal. Les prêtres sont des hommes comme les autres et l’ordination n’en a pas fait des surhommes. Aidez-nous à être à notre place, toute notre place, rien que notre place. Pour cela, prenez votre place à vous, toute votre place, rien que votre place et n’hésitez pas, quand cela vous semble utile, à nous remettre en question dans un dialogue fraternel et constructif…

Souvent, dans l’histoire, les chrétiens ont traversé des époques ténébreuses dont ils ne percevaient pas facilement l’issue. Chaque fois, les mots du prophète Isaïe – qui retentiront de nouveau dans la nuit de Noël – leur ont rappelé l’éternelle fidélité de Dieu : « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Is 9, 1). Cette lumière, nous le savons, n’est pas la nôtre mais celle du Christ. D’une manière mystérieuse, il a voulu nous rassembler dans la même barque, son Église. C’est donc ensemble qu’il nous appelle à nous convertir et à continuer de proclamer la Bonne Nouvelle de son amour pour tous.

Au creux de la tempête que nous traversons, avec l’aide de l’Esprit de notre baptême et de notre confirmation, ne laissons pas le diviseur désagréger le troupeau « que Dieu s’est acquis par son propre sang.» (Ac 20, 28)

Travaillons à la réforme de l’Église qui passe d’abord et avant tout par la conversion de nos propres cœurs. Ce n’est pas à une fuite en avant permanente que Dieu nous convie, mais plutôt à un retour à la source même de toute lumière : le berceau de Bethléem.

Puisse l’humiliation que nous fait vivre la révélation des crimes commis par un certain nombre d’entre nous, nous conduire à une véritable humilité sans laquelle toute réforme est vouée à l’échec.

En ce jour où nous fêtons Marie en son Immaculée Conception, confions-nous à son intercession maternelle​.

Joyeux et saint Noël à tous et à toutes.

Grégoire CADOR +
Administrateur diocésain