Homélie -Journée de rentrée diocésaine (Fête de Notre-Dame du Chêne) – 4 septembre 2022

Frères et Sœurs, chers amis,

Nous voilà au terme de cette journée de rentrée diocésaine au cours de laquelle nous avons pu faire connaissance et prendre mieux conscience de la diversité de nos modes d’appartenance au corps du Christ qu’est l’Eglise. Nous sommes désormais réunis autour de la source de l’Eucharistie, en ses deux tables de la Parole et du Pain de Vie, pour y rendre grâce mais aussi pour y puiser la force de notre engagement au quotidien.

Tout d’abord la table de la Parole de Dieu qui, comme nous le rappelait notre synode de 2019 dans son 2ème fondamental, occupe une place fondamentale dans la vie de l’Eglise que nous sommes.

Les textes que la liturgie nous propose en ce jour où nous fêtons Notre-Dame du Chêne, protectrice de notre diocèse, nous invite à contempler l’Emmanuel.

Que signifie, pour nous, aujourd’hui, ce nom béni du « Dieu avec nous », annoncé par le prophète Isaïe ?

Ce nom d’Emmanuel est ambigu ou plutôt ambivalent au point qu’il a même conduit certains, au cours des siècles, à des dérives totalitaires. Rappelons-nous par exemple le fameux « Got mit uns » inscrit sur la boucle des ceinturons de l’armée allemande !

Notre soif de domination, d’influence et de pouvoir a vite fait de nous faire récupérer ce nom à notre avantage. Nous mettons la main sur Dieu, le transformant en une sorte de label qui nous permettrait de faire et dire n’importe quoi du moment que c’est en son nom ! Et, français que nous sommes, nous commençons à nous empoigner les uns les autres, en son nom ! Il est tellement plus facile de voir la paille qui est dans l’œil du voisin que la poutre qui est dans le nôtre… (Mt 7,3-5)

Quel triste visage donnons-nous à nos contemporains… qui en sont réduits parfois à dire : « Où donc est leur Dieu ? » (Jl 2,17 ; Ps 113b,2) et même « Voyez comme ils se haïssent ! » Nous sommes loin de l’unité joyeuse et militante des premières communautés chrétiennes ![1] Cette unité qui donnait aux foules l’envie et le courage de confesser la foi même au péril de leur vie…

Si nous prenons le temps de contempler le chemin que Dieu emprunte pour nous rejoindre et sa manière d’être avec nous, peut-être pourrons-nous alors retrouver la manière d’être chrétien qui nous permettra d’être réellement disciples et missionnaires dans le monde bouleversé au milieu duquel nous vivons.

Tout d’abord : « il abaisse son regard vers le ciel et vers la terre » – comme nous le rappelait le psaume 112 – « De la poussière il relève le faible, il retire le pauvre de la cendre pour qu’il siège parmi les princes » notre synode de 2019 nous a rappelé « la centralité des plus pauvres ».

Ensuite, après avoir accompagné la marche de son peuple à travers les siècles et les vicissitudes de son histoire ; après avoir libéré son peuple de l’esclavage au cours d’une épreuve de conversion et avoir accompagné sa marche vers la Terre promise, Dieu s’est penché (encore une fois il se penche) mais cette fois-ci c’est sur son humble servante pour lui demander l’hospitalité de son sein, pour prendre chair de notre chair…

Marie de Nazareth, dans son humilité sans faille, a compris (littéralement elle a pris avec elle) le projet de Dieu. Il ne s’agit pas pour elle de mettre la main sur Dieu mais de se laisser couvrir de l’ombre de l’Esprit et d’enfanter l’Emmanuel pour le donner au monde. Point n’est besoin pour cela d’avoir le Bac et c’est à la portée de toutes les bourses !

Aussitôt, Marie se met au service de cette mission qui est aussi la nôtre : Donner « Jésus Emmanuel » au monde qui en a tant besoin… Il faudrait avoir le temps de méditer la scène de la Visitation de Marie à Elisabeth… si chère à Charles de Foucauld.

Marie est le modèle par excellence du disciple-missionnaire…

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Apprenons d’elle à nous rencontrer, en personne, « comme des personnes » aurait dit Ste Bernadette Soubirous. Cela permettra à ceux que nous rencontrerons comme tels, de se dévoiler dans toute la richesse de leur diversité. Si nous commençons par l’étiquette qu’ils ont collée sur leur front – et nous avons tous une étiquette collée sur le front – trop souvent nous n’aurons pas le loisir d’aller au-delà.

La diversité que nous représentons à travers l’appartenance à toutes sortes de mouvements, ne doit pas être occasion de division et de conflit, mais bien plutôt de rendre présent le Christ à l’ensemble de nos contemporains.

Nul n’a le monopole de la mission, ni la capacité d’englober le tout de cette mission… Notre mission n’est d’ailleurs pas de convertir le monde à nos idées, mais de lui annoncer, à temps et à contretemps, par le témoignage de notre vie au quotidien, la présence de l’Emmanuel qui fait de tous les hommes ses frères, de toutes les femmes ses sœurs ! Oui nous sommes la communauté de l’Emmanuel ! Et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !!!

Responsables de la mission, nous le sommes tous, ensemble, et ce, au nom de notre baptême. C’est ce que nous rappelle le premier fondamental de notre synode de 2019 quand il nous invite à « une conscience plus vive de notre vocation baptismale.»

Depuis l’incarnation, il ne nous est plus permis de considérer quiconque quels que soient son origine, ses convictions, ses manières d’être, autrement que comme un frère ou une sœur que Dieu nous donne et à qui Dieu nous donne. C’est le quatrième fondamental de notre synode diocésain de 2019.

C’est cela dont nous sommes les témoins, par tous les moyens que le génie humain éclairé par l’Esprit Saint nous donnera, dans la diversité de nos charismes et de nos manières d’être présents au monde. Il ne s’agit pas de faire le buzz, ni même de faire du chiffre, mais de témoigner joyeusement de notre amitié avec le Christ, lui permettant ainsi d’entrer en contact, quand et comme Il le voudra, avec ceux au milieu desquels il nous est donné de vivre.

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« La pierre d’angle » nous rappelait tout à l’heure la lettre aux Éphésiens, ce n’est pas nous, aucun d’entre nous, mais le Christ Jésus lui-même en qui la construction s’élève harmonieusement.

Alors continuons notre contemplation du Christ. Si nous le contemplons en vérité, que voyons-nous ?

Au début de son existence parmi nous : « un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire »… Un nouveau-né totalement abandonné à notre bon vouloir !

À l’autre extrémité de sa vie terrestre que voyons-nous ? : Un esclave (peut-être vaudrait-il mieux dire un serviteur) cloué nu sur une croix, criant « j’ai soif » avant de s’abandonner entre les mains du Père…. « Donne-moi à boire » cela ne vous rappelle rien ?

Voilà le message, voilà le Messie que nous proclamons, voilà la bonne nouvelle « qui sera une bonne nouvelle pour tout le peuple ». Bonne nouvelle qu’il nous est confié d’annoncer à nos contemporains pour ouvrir au cœur de notre monde un chemin d’espérance.

Avant de nous quitter pour Annecy, le père Le Saux, avait eu le temps de finaliser le travail sur les secteurs missionnaires qui se préparait dans des équipes réparties sur l’ensemble du diocèse depuis plus d’un an.

Il nous revient maintenant, et ce sera le travail de cette année qui commence, de définir, chacun dans son secteur, en nous appuyant sur notre responsabilité baptismale, et en collaboration réelle avec les prêtres et diacres que le Seigneur a appelés et ordonnés à notre service, de définir comment nous voulons, comment nous pouvons, comment nous allons nous y prendre pour faire retentir la bonne nouvelle de Jésus.

Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Notre souci ne doit pas être d’abord de savoir comment maintenir à tout prix ce que nous avons toujours fait ! Mais, pardonnez-moi l’expression, de « bonnenouvelliser » le monde dans lequel nous vivons.

Avons-nous oui ou non, quelque chose de bon à annoncer à nos contemporains ? Si oui, mettons-nous au travail. Sinon, organisons gentiment pour gérer la fin d’une époque non sans un brin de nostalgie !

Pour cela nous avons besoin d’être ensemble, unis dans la diversité de nos appartenances et de nos vocations particulières.

Cette unité ce n’est que dans le Christ qu’elle se réalise. Unité source, unité sommet.

C’est pour cela que le Christ, au moment du grand sacrifice de sa vie sur la Croix, nous a laissé l’Eucharistie source et sommet de toute vie chrétienne.

Notre unité nous est donnée par l’eucharistie qui n’est la propriété de personne mais qui, siècles après siècles, nous est donnée par l’Église qui sans cesse se réforme (semper reformanda).

C’est la « deuxième table » que nous allons aborder maintenant en associant par l’offertoire, les pauvretés et richesses de nos vies personnelles et communautaires, sous la forme du pain et du vin, fruits de la terre de la vigne et du travail des humains, pour qu’ils deviennent pour nous, le pain de la Vie et le Vin du Royaume….

[1] Cf. le fameux « Voyez comme ils s’aiment » de Tertullien (Apologétique, n39 § 7)

Textes :

  • Is 7, 10-14
  • Ps 112
  • Eph 2, 19-22
  • Lc 2, 1-14